Agile pour les entreprises, collectivités et producteurs autonomes
Marché d’affaires d’EDF : encore sous l’effet des hausses des prix passées
Avec 346 demandes recevables (-6 %) et 1 339 saisines non recevables, l’activité du Médiateur sur ce marché a baissé. Mais cette population représente toujours, comme en 2023, 27 % de l’activité du Médiateur.
› Un traitement des réclamations à renforcer encore
› Des blocages et retards de facturation qui perturbent la gestion des entreprises
En 2024, encore beaucoup de demandes ont concerné des entreprises ou professionnels qui ne recevaient pas ou plus de factures. En cause : des blocages dans les systèmes d’information, qu’EDF a mis trop de temps à corriger. Ces blocages ont également freiné le traitement des dossiers en médiation. Pour évaluer une compensation équitable, le
Médiateur a en effet besoin d’éléments factuels liés aux montants facturés. Or ces derniers n’étaient pas disponibles.
Par ailleurs, comme en 2023, de nombreux litiges ont eu pour cause une facturation trop tardive des branchements provisoires dans le secteur du bâtiment. Les factures ont souvent été adressées aux entreprises bien après la clôture des chantiers, voire la clôture de comptes. Ce qui a pu avoir un impact financier sur les entreprises.
Parole d'entreprise
« J’ai repris ma société en février 2022 et, à ce jour, je n’ai toujours pas reçu de facture d’électricité. Lors de mes échanges, toujours la même réponse : « bloqué en facturation ». L’électricité est la plus grosse charge de notre société et nous allons nous retrouver avec une facture exorbitante ! Car nous sommes un gros consommateur d’électricité (75 000 € par an à peu près). Et aujourd’hui, nous devons faire notre bilan, alors que nous ne connaissons même pas le montant de notre plus grosse charge. »
En juin 2024, la société G. reçoit plus de 25 000 € de factures, alors que le chantier concerné est soldé depuis août 2021. Elle explique que ces factures la mettent en grande difficulté. En effet, elle règle les consommations énergétiques au prorata des marchés de toutes les entreprises intervenantes. Elle assure la gestion du gros œuvre et se fait rembourser par le maitre d’ouvrage sur présentation des factures. C’est pourquoi elle a relancé EDF à plusieurs reprises, mais n’a jamais reçu de facture relative au branchement provisoire souscrit pour alimenter le chantier G..
Le Médiateur constate que la société G. a bien résilié son contrat en août 2021, ce qui a entrainé la dépose du branchement provisoire. Il note aussi que le Distributeur a bien adressé régulièrement les flux de consommation au Fournisseur, mais qu’EDF n’a émis aucune facture avant celles de juin 2024, à cause d’un blocage informatique. En vertu de l’article 2224 du Code civil, le Médiateur considère que les consommations antérieures au 6 juin 2019 ne peuvent plus être facturées. Il invite donc EDF à annuler les consommations et abonnements prescrits, à verser une compensation à la société G., et à lui accorder une facilité de paiement pour le solde restant dû.
› Encore de nombreux litiges liés à la crise des prix
Qu’ils concernent l’application des aides gouvernementales, des évolutions tarifaires ou des Indemnités de Résiliations Anticipées (IRA) de contrat, les litiges liés à la crise des prix ont représenté à eux seuls 38 % des dossiers recevables en 2024.
1. Application des aides gouvernementales
Certaines entreprises ont notamment saisi le Médiateur pour obtenir les aides prévues par les pouvoirs publics face à la crise. Elles leur avaient été refusées parce qu’EDF n’avait pas reçu l’attestation d’éligibilité nécessaire.
De même, le Médiateur a souvent été sollicité par des entreprises qui contestaient des régularisations, pouvant conduire à une réduction importante des versements initiaux établis sur une base prévisionnelle, ou par celles à qui EDF avait refacturé l’amortisseur, à la suite des contrôles du ministère des Finances. Dans les deux cas, ces entreprises ont aussi demandé des facilités de paiement.
2. Contestation des conditions des évolutions des prix
En 2024, le Médiateur a constaté un défaut récurrent d’alignement des dates sur les courriers d’évolution des prix et sur les factures.
Parole d'entreprise
« Je conteste la régularisation de 15 239,92 € au titre de l’amortisseur 2023, et la régularisation de 4 500 € au titre de l’amortisseur 2024. Après avoir contacté le service des impôts, j’ai en effet découvert que nous avons été identifiés comme entreprise ne réunissant pas les conditions pour bénéficier de l’aide Amortisseur.
Alors que nous les remplissons ! Le service des impôts nous a indiqué qu’il fallait envoyer à EDF une attestation d’éligibilité, établie par un expert-comptable, et qu’il était encore possible de le faire.
C’est ce que j’ai fait via mon espace client.
Mais EDF m’a répondu que le délai était dépassé. Nous sommes une petite entreprise et ces sommes sont très importantes pour nous. »
Sur les courriers d’évolution des prix, il y a eu une confusion entre la date d’échéance du contrat, dite date “anniversaire“, et la date où démarrent les nouveaux prix qu’EDF peut notifier à ses clients, sous certaines conditions, à chaque date “anniversaire“. Or cette date d’effet peut être différente de la date “anniversaire“. Pour lever cette confusion, EDF explique qu’il y a un décalage de la reconduction du contrat et que la date à laquelle démarrent les nouveaux prix devient la nouvelle date d’échéance du contrat.
Pourtant le décalage de cette date d’échéance est impossible, sauf à modifier la durée et les modalités de reconduction prévues au contrat. Ce qui, comme toute modification contractuelle, doit faire l’objet d’un accord écrit entre les parties.
Sur certaines factures d’EDF, la date d’échéance du contrat indiquée est également à la date de démarrage des nouveaux prix notifiés au cours de la période reconduite, et non à la date “anniversaire“ véritable du contrat. Parfois, cette date d’échéance résulte d’une anomalie éditique sans lien avec une évolution de prix notifiée.
Or, les conditions particulières du contrat prévoient une durée initiale qui permet de calculer sa date d’échéance ou date “anniversaire“. Cette date d’échéance ou date “anniversaire“ marque l’issue de la durée initiale décomptée à partir de la date d’effet du contrat et, ensuite, des périodes de tacite reconduction (en principe annuelles).
Ces défauts d’alignement peuvent induire les clients en erreur, quant au statut véritable de leur contrat. Cela d’autant plus pour les clients prélevés mensuellement qui contestent avoir reçu un courrier d’évolution des prix. Dans ce cas, ils découvrent la hausse des prix sur la première facture qui applique cette évolution.
Par ailleurs, ces défauts peuvent relever d’une modification unilatérale du contrat qui ne peut pas être opposable légalement aux clients. En effet, toute modification contractuelle requiert l’accord écrit des clients (sous forme d’un avenant ou courrier contresigné valant avenant).
Le Médiateur invite donc EDF à veiller à ce que ces dates d’échéance du contrat et d’évolution des prix correspondent aux dates d’échéance résultant des conditions particulières du contrat. En tout état de cause, la date d’échéance contractuelle faisant foi demeure celle qui résulte des dispositions du contrat.
Elle découvre cette hausse sur sa facture d’électricité de mars 2023. EDF lui explique que le contrat a été reconduit, mais que sa date de reconduction a été décalée à décembre 2022, à cause d’un problème informatique. La société E. dit n’avoir reçu aucun courrier d’EDF l’informant d’une évolution des prix et conteste sa facture.
Après avoir examiné tous les éléments du dossier, le Médiateur constate qu’il y a eu confusion entre la date de reconduction ou date “anniversaire“ du contrat, au 1er juillet de chaque année, et la date d’entrée en vigueur des nouveaux prix qu’EDF a le droit de notifier à la société E. lors de chaque date “anniversaire“. En effet, la date d’entrée en vigueur des nouveaux prix indiquée dans le courrier d’EDF ne coïncide pas avec la date “anniversaire“ du contrat.
Compte tenu de ces éléments, le Médiateur propose qu’EDF compense l’écart de prix entre la date d’entrée en vigueur des nouveaux prix et la date de résiliation du contrat par l’Entreprise E.
3. Contestation des Indemnités de Rupture Anticipée de contrat
Le nombre de contestations des Indemnités de Rupture Anticipée (IRA) de contrat est resté identique à celui de 2023.
Aux yeux de certains clients, le montant de ces IRA paraît incohérent avec leur consommation réelle. Et dans certains cas, ces situations vont jusqu’au litige, en regard des modalités de résiliation du contrat.
En effet, il paraît illogique qu’EDF exige, dans les conditions particulières de ses contrats, que toute résiliation se fasse par lettre recommandée, alors que dans la pratique il accepte les résiliations par téléphone ou par simple demande via l’espace client.
Dans ces cas, le Médiateur estime qu’il appartient à EDF d’accompagner ses clients et d’attirer leur attention sur les conditions associées à une résiliation anticipée de leur contrat. En tout état de cause, il lui semble nécessaire d’aligner les conditions du contrat et la pratique.
› Des retards ou des refus de remboursement
Certains clients ont saisi le Médiateur, car ils n’ont pas été remboursés dans des délais acceptables lorsqu’un solde créditeur apparait sur leurs factures.
Dans d’autres cas, il s’agit d’entreprises qu’EDF a refusé de rembourser parce que leur compte client se trouvait débiteur sur un autre compte de facturation. Cette situation peut alors entrainer des difficultés de trésorerie.
Pour le Médiateur, toute facturation est liée à un contrat donné. Un éventuel solde débiteur au titre d’un autre contrat ne doit pas empêcher le remboursement de la différence créditrice.
Producteurs autonomes d’électricité : la forte hausse des litiges se poursuit
Avec deux fois plus de dossiers recevables et presque deux fois et demie plus de demandes, les litiges des producteurs autonomes poursuivent leur forte hausse. Même si, le Médiateur note, comme en 2023, que cette hausse reste contenue, comparée à l’essor des installations photovoltaïques depuis 2021, des nouveaux contrats conclus et de l’ensemble des contrats désormais gérés.
En 2024, le nombre de producteurs, qu’il s’agisse de particuliers ou de petites entreprises équipés de panneaux solaires, a atteint le million.
Quant au nombre de contrats produits et signés avec EDF Obligation d’Achat, il a presque triplé entre 2023 et 2024.
› Des délais trop longs pour le traitement des contrats
La quasi-totalité des demandes reçues en 2024 concerne les délais de traitement des contrats par EDF Obligation d’Achat. Désormais digital, le nouveau processus de production des contrats S21 a permis de réduire le délai moyen de 6 à 3 mois. Mais cette mesure n’a pas fait baisser le nombre de saisines du Médiateur, notamment parce qu’EDF Obligation d’Achat a dû, au cours de l’été 2024, résorber le stock de contrats en attente de signature. En effet, le Médiateur a particulièrement été saisi pour les contrats faisant l’objet d’un rattrapage du retard de signature.
Ces situations ont surtout concerné les gros producteurs, susceptibles d’émettre des factures tous les trimestres, voire tous les mois.
Elles avaient en général pour origine des dossiers comportant des inexactitudes : erreurs d’adressage, noms de titulaire erronés, ou encore coefficients P+Q incompris.
La nouvelle règlementation permet aux producteurs de bénéficier de la prime investissement en totalité, en une fois, dès leur première facture. Ainsi, les litiges, liés à des incompréhensions de l’échelonnement du versement de la prime sur cinq ans, ont disparu. À l’inverse, certains gros producteurs, qui peuvent désormais demander à modifier ponctuellement leur trimestre tarifaire, ont sollicité le Médiateur pour régler leur litige.
Enfin, certains dossiers ne peuvent pas être débloqués à cause de la règlementation. EDF Obligation d’Achat n’a alors aucune latitude pour accorder une tolérance. Lorsqu’il traite ces dossiers, le Médiateur l’explique en détail aux producteurs qui arrivent alors à accepter la situation.
Parole DE PRODUCTEUR
« Nous sommes désespérés et ne savons plus quoi faire pour débloquer la situation avec EDF Obligation d’Achat. Nous avons fait poser des panneaux solaires en juin 2023 et plus d’un an après l’installation, nous n’avons toujours pas reçu de contrat. Or, celui-ci conditionne le déblocage des aides de l’Etat (3 420 €), ainsi que le déblocage du remboursement de la TVA de (7 491 €), sans compter la revente de l’énergie non consommée.
Cela nous met dans une position financière très compliquée. Nous relançons EDF tous les mois depuis le début de l’année : à chaque fois, ils nous disent que le dossier est en cours de traitement et qu’il faut attendre. Nous avons demandé à parler à un responsable et la réponse est toujours la même, c’est impossible. »
Fournisseurs et sous-traitants d’EDF : les sollicitations restent très marginales
Dans le cadre de sa labellisation au titre de la Relation Fournisseurs et Achats Responsables depuis dix ans, EDF garantit à ses fournisseurs et sous-traitants l’accès au Médiateur du groupe EDF. Cette labellisation a été renouvelée pour trois ans en 2024. Elle s’accompagne de revues annuelles auxquelles le Médiateur participe.
Aujourd’hui, les sollicitations restent très marginales. Pourtant, la médiation est un outil très efficace au service des enjeux industriels d’EDF. Car, en cas de litige bloqué, elle permet d’éviter une procédure judiciaire longue et coûteuse, et cela représente une des dernières chances pour garantir les délais et les coûts. C’est pourquoi le Médiateur tient à promouvoir la médiation, en particulier auprès de la filière Contract Management.
3 questions à Claire Tixador,
Responsable de la Filière Contract Management groupe EDF,
Responsable du Département Contract Management & Ingénierie Contractuelle au sein de la Direction de la Supply Chain d’EDF
En quoi la médiation est-elle intéressante pour le Contract Management ?
Claire Tixador : La raison d’être du Contract Management au sein du groupe EDF est de contribuer, sur tout le cycle de vie du contrat, à la bonne gestion des relations avec les cocontractants et à la réussite des affaires/projets grâce à la maitrise de la performance. En ce sens, la médiation n’est pas dépourvue d’intérêt ! Les contrats à enjeux pilotés par les CM du Groupe font intervenir une pluralité d’acteurs internes, et externes : ils nécessitent une gouvernance et d’avoir réfléchi « à froid » aux dispositifs existants pour résoudre les difficultés, faire face aux différends, pour prévenir et traiter les litiges, et éviter des contentieux longs et coûteux. La médiation est l’un des rouages essentiels de ces modes alternatifs de résolution des litiges qu’il faut connaître. C’est un des modes de règlement amiable, indépendant et efficace. Et, quand il est assuré par le Médiateur du groupe EDF – comme cela est prévu dans les contrats d’achat d’EDF – ce recours est gratuit, contrairement à un médiateur tiers.
La médiation reste pourtant peu utilisée. Que prévoyez-vous pour la développer au sein de votre filière ?
Quels bénéfices en attendez-vous pour le pilotage des contrats ?
Claire Tixador : La médiation peut faciliter la résolution des conflits survenant durant l’exécution des contrats, là où un contentieux risque d’obérer la situation, d’enkyster le différend. Quand les parties surpassent leurs différends et construisent elles-mêmes et ensemble une solution de sortie, cette solution sur mesure coconstruite est bien plus durable que si elle avait été imposée. En particulier parce que la Médiation – qui fixe un cadre où chaque partie peut aussi exprimer ses ressentis et ses émotions – permet aussi de mieux comprendre les raisons profondes et les causes racines qui ont concouru aux différends, à la difficulté, de mieux comprendre la position de l’autre partie… et ce faisant, ce processus contribue ainsi à restaurer le lien et à faciliter le travail dans la durée, dans une démarche de pilotage collaboratif !